Chemin de traverse, épisode 3: London, 19’871 km

« Je ne sais plus trop bien quelles sont les raisons qui m’ont poussé à partir en sabbatique. J’avais besoin d’une césure, j’avais besoin d’air. Je voulais apprendre l’espagnol…». Le chemin de traverse de Christian est à priori anodin: un simple congé sabbatique, un voyage autour du monde. Petit à petit, les questions ravivent les souvenirs et dévoilent un chemin courageux, une lame de fond sous-marine transformatrice.

« Je suis parti sans savoir quand je voulais revenir » me dit-il. Tout quitter et pour une durée indéterminée, cela demande du courage, de l’engagement. «Les gens ne comprenaient pas, ils me disaient : « T’as fait quoi ? Tu t’es fait foutre dehors ? » ». « Il fallait libérer tout avant de partir. Il me restait une partie de mes meubles dans un garde meuble et une assurance, c’est tout.».

Quand il se décide à partir en sabbatique, Christian a une belle carrière derrière lui. Il a un diplôme universitaire en sciences forensiques, un parcours dans notre « bonne vieille armée », et une solide expérience d’une dizaine d’années dans la police à divers postes à responsabilité.
Nzea285_smallMalgré la profondeur du changement personnel que ce voyage déclenchera, il se souvient être parti serein et revenu serein. Le voyage en lui même se déroule bien. Il débute en Asie, passe par l’Océanie pour terminer en Amérique du Sud. Il a compris au fil des kilomètres que son objectif était de lâcher prise avec son quotidien en Suisse mais pas avec lui-même. « Dans mes voyages futurs, je soignerai cette dimension d’ancrage, parce que ce voyage, c’était un peu une course folle ». Il en garde des moments forts comme des paysages à couper le souffle ou des rencontres magiques, une prise de conscience que notre culture est minoritaire par rapport aux autres. Il a également beaucoup réfléchi sur le concept d’être plutôt que d’avoir[1]. « La question n’est pas « Qu’est-ce que je peux faire », mais plutôt « Comment être moi-même ». Ou « Est-ce que je dois mettre plus de vie dans mes actions ou plus d’action dans ma vie » ».

Le retour du voyage est tout aussi transformateur que le voyage lui-même. « J’avais besoin de m’ancrer à nouveau en revenant. En partant, j’avais besoin de mouvement, en revenant de me repositionner.». Il lui a fallu encore 1 an pour à nouveau remettre le pied à l’étrier du monde du travail. « J’ai pris du temps pour moi. J’ai laissé du temps pour que les choses se fassent d’elles-mêmes. Je ne suis pas un pantin dont quelqu’un bidouille les fils. C’est moi qui bidouille ».

En partant, c’est comme s’il avait étalé sur la table ses cartes, et en revenant, il a pu faire ses choix. « Il y a des cartes que j’ai laissées, d’autres que j’ai reprises ». « La police ça faisait partie de moi en partant, mais aujourd’hui, j’ai la satisfaction de mon travail. J’ai trouvé dans mon environnement ce qui me motive ». Mise au point nécessaire à certains carrefours de vie. Mise au point aussi au niveau personnel par rapport à son lieu de vie, ses rapports avec sa famille, ses racines. Comme lui a dit un Chilien durant son voyage « Le lapin ne chasse jamais trop loin de sa montagne ». Il vit à nouveau près de sa montagne en Valais, avec sa femme qu’il a rencontrée à son retour de voyage, et ses 2 enfants.

Nous concluons notre rencontre en nous disant, « C’était un peu comme partir pour mieux se retrouver ou aller vers l’autre pour mieux savoir qui je suis ».


[1] Fromm, Erich (1978) « Avoir ou être »

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